Président : David de la Croix (UCL).

En s’intéressant à la fois aux dimensions historiques et aux perspectives de la croissance, cette commission s’attachera à répondre aux questions suivantes : existe-t-il des cycles de croissance ? Comment le processus de croissance se construit-il ? Comment la croissance  est-elle stimulée à travers les différentes étapes historiques? Comment appréhender l’évolution de la productivité des facteurs de production à la fois à court terme et à moyen terme ? Sommes-nous à l’aube d’une « stagnation séculaire » ? La croissance de ces deux derniers siècles reflète-t-elle une dynamique transitoire d’un état stationnaire à un autre ? Ou, au contraire, la révolution industrielle a-t-elle engendré un changement permanent de régime, de la stagnation à la croissance perpétuelle ?

Intervenants :

Résumé des contributions

La croissance économique

Thomas Baudin, David de la Croix (UCL)

Nous exposons les raisons et les conséquences du passage d’une stagnation millénaire à une croissance durable et en tire des conclusions pour le futur. La quasi-stagnation qui régnait avant 1820 empêchait l’individu moyen de bénéficier d’amélioration de ses conditions de vie à l’échelle de son existence. Après 1820, dans un pays comme la Belgique, le niveau de vie de l’individu moyen a été multiplié en moyenne par 2 tous les 50 ans.

Quelle que soit notre position quant à la désirabilité d’une croissance illimitée, force est de constater que la croissance des deux derniers siècles a accompagné bon nombre de d’évolutions positives: la santé (espérance de vie), l’éducation, davantage l’égalité des genres, la démocratie, l’État Providence.

La croissance économique est donc un phénomène récent, datant de deux siècles seulement. La croissance moderne possède deux types de moteurs : (i) le moteur essentiel qu’est l’innovation, ou autrement dit, le progrès technique, (ii) des moteurs secondaires tels que l’augmentation de l’éducation et l’allongement de l’espérance de vie, l’urbanisation et la baisse de la fécondité.

La question se pose aujourd’hui de savoir si cette croissance va poursuivre son chemin en suivant le sentier déterminé depuis deux siècles (vue classique), ou bien, au contraire, va-t-elle plafonner, comme si l’histoire consistait à passer d’un niveau de revenu par habitant à un autre, plus élevé (vue Malthusienne)?

Nous concluons que nos moteurs secondaires de croissance semblent être à sec – nos économies sont en train de converger vers une situation où seuls les déplacements de la frontière technologique pourront leur permettre de croître.

Croissance et productivité en Belgique : tendances à long terme

Bernadette Biatour et Chantal Kegels (Bureau fédéral du Plan)

La grande crise récente a renforcé la tendance de long terme au déclin du taux de croissance du PIB par tête belge. En Belgique, ce déclin est dû au ralentissement de la croissance de la productivité du travail. Le papier analyse la tendance à long terme de la croissance économique belge en comparaison avec les États-Unis et la moyenne européenne et l’évolution récente de la productivité du travail en comparaison avec les trois pays voisins. Il identifie les causes de la baisse tendancielle des gains de productivité en analysant les changements structurels de l’économie et en appliquant la méthodologie de la comptabilité de la croissance à des données sectorielles.

Shifts in Belgian spatial inequality between 1896 and 2010

Erik Buyst (Centre for Economic Studies, University of Leuven)

In this paper we present estimates of regional GDP per capita at regular intervals for the period between the end of the 19th century and the beginning of the 21st century. The data reveal dramatic changes in the relative position of the different Belgian provinces. Relatively poor provinces at the late 19th century often became the richer ones 110 years later, and vice versa. Next we explore the main causes of this process. Finally we provide an overview of the economic threats facing Belgium’s high income provinces today.

Transition démographique et évolution économique en Belgique du 18e au 21e siècle

Thierry Eggerickx, Sandré Brée et Mélanie Bourguignon (Centre de recherche en démographie-UCL)

L’objet de cette étude est de mettre en évidence sur le temps long, tant d’un point de vue théorique qu’empirique, les interactions entre l’évolution de la population et de ses composantes démographiques, et certains processus et facteurs économiques. Une attention particulière est accordée aux relations entre fécondité et économie dans le cadre des principales crises économiques qui ont émaillé l’histoire de la Belgique au cours des derniers siècles. Ces périodes de récession ont nécessité de la part des populations affectées la mise en place de stratégies d’ajustement, notamment démographiques. Si dans les exemples présentés, ce sont le plus souvent les facteurs économiques qui déterminent les comportements démographiques, il convient de souligner les implications socioéconomiques du vieillissement démographique – un processus amorcé il y a près de 150 ans – actuel et futur en termes de financement des pensions ou encore d’organisation du système de protection sociale.

Limites énergétiques à la croissance économique

Jean-François Fagnart (CEREC, Université Saint-Louis) et Marc Germain (CNRS- Université de Lille 3)

Après avoir survolé quelques observations empiriques qui montrent qu’il n’y a pas (eu), au niveau mondial, de croissance économique sans croissance de la consommation d’énergie, nous étudions les implications macroéconomiques d’une transition énergétique caractérisée par le recours à des énergies non renouvelables moins facilement exploitables et par un glissement vers des formes d’énergie renouvelable dont le rendement énergétique est inférieur à ce qui a été historiquement obtenu des énergies fossiles. Nous montrons pourquoi dans une telle transition (qui fait que la production d’énergie secondaire devient plus consommatrice d’énergie), les obstacles à la croissance économique se multiplient. 1) Pour un même niveau d’efficacité dans l’utilisation finale de l’énergie, la transition augmente la quantité d’énergie nécessaire à la création d’une unité de valeur ajoutée; 2) Les progrès technologiques purs se traduisent moins nettement en gains de productivité (mesurés en unités de valeur ajoutée) et sont donc moins porteurs de prospérité. 3) La transition augmente le niveau de capital dont l’économie a besoin pour atteindre un niveau donné de PIB mais ralentit simultanément l’accumulation du capital à taux d’épargne inchangé. Maintenir un même taux de croissance économique (à supposer que ceci fut possible) réclamerait donc que l’économie alloue une fraction plus grande de sa production à l’investissement (plutôt qu’aux consommations finales).

Évolution des disparités de croissance régionale entre 1967 et 2013

Isabelle Clerbois et Christophe Ernaelsteen (UNamur)

Cette contribution s’intéresse à l’évolution de la croissance réelle des trois régions belges entre 1967 et 2013. Sur cette même période, les croissances régionales semblent converger progressivement. Dans cette étude, nous tentons de formaliser ce constat et d’en éprouver la significativité statistique. Nous identifions une convergence statistiquement significative des croissances économiques des trois régions belges, principalement due à une baisse de la croissance flamande, indépendamment de la conjoncture nationale, et à une hausse de la croissance bruxelloise, au fil du temps. La croissance wallonne, quant à elle, n’enregistre aucune tendance à la hausse ou à la baisse statistiquement significative sur la même période. En outre, une distinction entre le secteur industriel et celui des services met en lumière une convergence provenant essentiellement du secteur industriel. En termes d’implication pour le futur, les élasticités estimées des croissances régionales à la croissance nationale montrent qu’en cas de reprise économique le rebond flamand devrait s’avérer plus marqué que dans les autres régions et les écarts interrégionaux pourraient s’accentuer à nouveau.

On the possibility and driving forces of secular stagnation

Freddy Heylen, Pieter Van Rymenant, Tim Buyse and Brecht Boone (UGent)

This paper investigates the possibility of today’s economies entering into secular stagnation. Recent literature highlights demographic change, rising inequality, deleveraging and reduced credit availability, and downward rigidity in real interest rates as possible culprits behind stagnation. We construct a general equilibrium macro model in which all these potential driving forces have their place. The model economy consists of six overlapping generations of unequal individuals, differing in ability, human capital and financial wealth. The size of these generations varies over time due to exogenous changes in fertility and longevity. Human capital and wealth are transferred from parents to children, genetically and via bequests. The return to human capital may change over time, implying changing inequality. Individuals may or may not be able to borrow to finance consumption and higher education. We calibrate our model to match the facts in Belgium during the last decades, and then simulate expected changes in demography, rising inequality, borrowing constraints, and downward rigidity in the real interest rate. Can we end up in a very long period of weak potential growth? Is it possible that actual output remains below potential for a very long time? What do we have to bring into the model to get these results? What driving factors are the most influential?

Innovation et croissance, dimension historique et prospective

Pierre Mohnen (Maastricht University et UNU-MERIT)

L’innovation est le moteur de la croissance. Combien de fois ne lit-on pas cette affirmation dans la presse, dans les discours des décideurs politiques et dans les travaux académiques. Qu’en est-il vraiment ? Quel rôle joue l’innovation dans le processus de la croissance ? Comment mesure-t-on sa présence et son impact ? Est-ce que son rôle est scientifiquement prouvé ? Et où se situe la Belgique dans ce contexte ? Telles sont les questions qui seront abordées dans cet article.

Optimal fertility under age-dependent labor productivity

Gregory Ponthiere (Paris School of Economics) & Pierre Pestieau (ULg)

In the so-called Rapport Sauvy (1962), the French demographer Alfred Sauvy argued that Wallonia’s fertility rate was socially suboptimal, and recommended a 20 % rise of fertility, on the grounds that a society with too low a fertility leads to a low-productive economy composed of old workers having old ideas. This paper examines how Sauvy’s intuition can be incorporated in the seminal Samuelsonian optimal fertility model (Samuelson 1975). For that purpose, we build a 4-period OLG model with physical capital and with two generations of workers (young and old), the skills of the latter being subject to some form of decay. We characterize the optimal fertility rate, and show that this equalizes, at the margin, the sum of the capital dilution effect (Solow effect) and the labor age-composition effect (Sauvy effect) with the intergenerational redistribution effect (Samuelson effect). Finally, we develop a numerical example, and examine how Sauvy’s recommendation can be reconciled with facts.

Culture, Intellectual Elites, and Economic Growth: Evidence from 19th Century Belgium

Mara Squicciarini (LICOS – KULeuven)

This contribution stresses the role of scientific and technical knowledge for economic development. Analyzing the existing economic literature and providing examples from the Industrial Revolution in Belgium, it also suggests that investments in average human capital are not enough for industrial progress and economic growth, while the presence of knowledge elites (even if confined to a small minority of scientists, inventors and entrepreneurs) is crucial, fostering growth via the innovation and diffusion of modern technology.