Co-présidents : Thierry Bréchet (UCL) et Paul-Marie Boulanger (IDD)

Partant du constat qu’il devient aujourd’hui difficile de tendre vers une croissance durable et de satisfaire les besoins à travers de grands projets industriels, les travaux de cette commission devraient aborder cette problématique en partant d’études de cas pour examiner les hypothèses relatives aux nouveaux moteurs de croissance. Cette commission pourrait étudier, notamment, la place de l’environnement dans la construction des politiques de croissance, en discutant des thèses relatives à la « reconversion écologique » ou de « croissance verte » (énergies renouvelables, rénovation et construction écologique, agriculture durable et permaculture….). Les travaux viseront à répondre à la question suivante : la  préoccupation environnementale est-elle alors un frein ou un moteur de la croissance ?

Les travaux de cette commission permettront de se saisir du débat contradictoire portant sur l’environnement comme frein/moteur de croissance en rapport avec la notion de transition écologique. Elle sera traitée à partir de trois angles : (1) la construction/la rénovation, (2) l’énergie et (3) l’agriculture (ex : la permaculture)

Intervenants :

Résumé des contributions

Entre capture et rupture : l’apport de l’innovation sociale à une alternative socio-environnementale

Tom Bauler et Bonno Pel (ULB)

La réconciliation attendue entre économie et environnement semble attribuer un rôle non-négligeable aux innovations sociales (IS). L’innovation sociale se définit par les activités interstitielles entre Marché et Etat, qui sont plutôt exercées au niveau citoyen en liant une finalité sociale avec une volonté de s’appuyer sur des relations sociales pour la réaliser. Notre contribution s’intéresse sur l’avènement même de la promesse soulevée : est-ce réaliste de ranger l’IS parmi les faits sociaux qui peuvent contribuer à résoudre la dichotomie d’objectifs entre économie&croissance et vie sociale&réalités environnementales? Nous montrons que l’innovation sociale, une fois qu’elle entre dans le champ d’attraction de la gouvernance par les acteurs publics se confronte à une dynamique de capture et de transformation de sa propre activité, qui risque de nuire à la capacité de l’IS à faire partie « des solutions alternatives ». En d’autres mots, nous explorons ce que produit la généralisation et l’institutionnalisation d’une alternative socio-économique et ce que de la moelle épinière des IS risque de céder dans cette évolution.

La clé ou le verrou ? Le rôle des pouvoirs publics dans le déploiement de l’économie de fonctionnalité : étude de cas.

Marion Courtois (Bruxelles Environnement / Sous-division économie circulaire)

Pour accélérer la transition de nos modes de production et de consommation afin de les rendre compatibles avec les limites physiques de la terre, les pouvoirs publics ont un rôle de verrou important à jouer, rôle qui dépasse les missions traditionnelles qui leur sont généralement confiées. En particulier pour le déploiement de l’économie de fonctionnalité, il s’agit, notamment, du financement des entreprises dans la phase de transition vers ce type modèles d’affaire, de la stimulation des achats publics comme levier de la demande, de la sensibilisation des consommateurs pour changer leur rapport aux objets et aux services, de l’observation et du suivi du phénomène de la transition vers le modèle d’économie de la fonctionnalité. De manière transversale, les pouvoirs publics doivent jouer le rôle d’« acteurs-pont » entre les parties prenantes. L’article se base sur un projet pilote mené par l’Union des Classes Moyenne et soutenu par la Région de Bruxelles-Capitale.

L’économie circulaire sous l’angle de l’économie environnementale

Johan Eyckmans (KU Leuven)

Dans cette contribution, j’aimerais m’attarder sur deux questions fondamentales portant sur le principe de l’économie circulaire et je m’efforcerai d’y répondre au moyen d’arguments économico-environnementaux. D’une part, la menace d’épuisement des matières premières justifie-t-elle l’intervention des pouvoirs publics pour initier ou accélérer la transition vers une économie plus circulaire ? D’autre part, je m’intéresserai aux instruments politiques que les pouvoirs publics devraient activer et aux complications qui se poseront inévitablement en chemin.

How to reconcile green and growth? Green growth strategy, experiences and evidence

Grégoire Garsous (OCDE)

Grâce à de nouveaux résultats, nous discutons comment réconcilier les deux objectifs que sont atteindre des taux de croissance supérieurs et freiner l’érosion continue de l’environnement. Cela nécessite des politiques qui soutiennent l’innovation et l’investissement dans la bonne direction – pour des idées nouvelles, plus propres et plus productives. Ceci est à condition que les politiques environnementales – qui ne sont pas nécessairement préjudiciables à la croissance si elles sont conçues de manière adéquate – envoient un signal fort et cohérent. Une autre condition est d’assurer que le cadre de ces politiques soutienne la concurrence et n’entrave pas la performance des entreprises jeunes, innovantes et dynamiques. Ensuite, il nous faut repenser les autres politiques économiques (fiscalité et politiques sectorielles) afin de les aligner avec les objectifs environnementaux.

L’accusation de la croissance, masque des failles institutionnelles de l’organisation économique

Olivier Godard (École Polytechnique-ParisTech)

Rendre la croissance économique responsable des problèmes d’environnement, c’est se tromper sur l’essentiel qui se trouve dans les défaillances organisationnelles affectant les régulations en place et le statut juridique et économique réservé aux biens environnementaux. La croissance sera écologiquement soutenable le jour où les conditions de reproduction des traits fondamentaux de l’environnement seront intégrées de façon routinière dans les décisions publiques et privées. Dans les déséquilibres et crises environnementales contemporaines, la croissance ne joue qu’un rôle de facteur d’amplification, aux conséquences concrètes certes très importantes, des désordres et manques organisationnels qui sont premiers. D’ailleurs, sans ces corrections organisationnelles, une « croissance nulle » et même une « décroissance », qui créeraient les conditions d’une lutte de tous contre tous et provoqueraient un repli sur les intérêts les plus immédiats, continueraient à dégrader sévèrement l’environnement.

La Courbe Environnementale de Kuznets Revisitée

Bertrand HAMAIDE et Martin NEVE  (Université Saint-Louis – Bruxelles)

La Courbe Environnementale de Kuznets (CEK) fait l’hypothèse que la pollution augmente avec la croissance à de faibles niveaux de développement, puis tend à diminuer une fois qu’un certain seuil a été atteint. La plupart des études sur le sujet utilise le Produit Intérieur Brut (PIB) par habitant comme indicateur de développement au contraire de cet article qui propose une mesure de développement plus globale, l’Epargne Nette Ajustée (ENA) de la Banque Mondiale, comme variable explicative. Nous montrons qu’une CEK Revisitée semble être une hypothèse valide pour les émissions de CO2, contrairement à la CEK standard, à tout le moins pour des seuils de revenus raisonnables. Nous montrons aussi que tant le capital humain que le capital naturel contribuent à expliquer la partie décroissante de la relation entre dégradations environnementales et développement.

Peut-on réconcilier croissance et environnement : est-ce la bonne question ?

Gilles Rotillon (Université Paris Ouest Nanterre la Défense, EconomiX)

Cet article soumet à la critique deux modèles au moyen desquels les économistes analysent généralement les liens entre croissance et environnement. Il s’agit, d’une part de la courbe de Kuznets environnementale et, d’autre part, de la théorie de la croissance optimale et de son hypothèse de substituabilité  des différentes formes de capital productif. La question des relations entre croissance et environnement ne peut se satisfaire d’approches aussi abstraites et agrégées.  Ce qui compte, ce n’est pas la croissance ou non du PIB en tant qu’indicateur synthétique mais les modes de production et de consommation concrets à la source des activités qui le constituent.

Les outils d’évaluation des impacts économiques de la transition bas carbone: état des lieux et perspectives

Vincent van Steenberghe (SPF Santé Publique, Sécurité de la Chaîne Alimentaire et Environnement, Service Changements Climatiques)

Les modèles économiques calculables nous apprennent que les impacts de la transition bas carbone d’un pays comme la Belgique sur la croissance, l’emploi et les coûts du système énergétique sont relativement modestes et même potentiellement positifs. Tandis qu’ils abordent pleinement la question des changements technologiques, ces outils économiques traitent actuellement peu celle des changements significatifs de comportement, de style de vie, ainsi que celle du lien entre les politiques climatiques et les politiques visant d’autres objectifs que la réduction des émissions de carbone. Nous argumentons que, dans un contexte requérant des changements non marginaux, ces éléments sont pourtant susceptibles de peser significativement sur le choix des politiques à mener et donc sur leurs impacts économiques. Leur meilleure compréhension et prise en compte s’avère d’ailleurs essentielle face au constat selon lequel les obstacles à la mise en œuvre de politiques climatiques ambitieuses sont avant tout de nature institutionnelle, culturelle et comportementale.