Co-présidents : Philippe Donnay (Bureau fédéral du Plan) et Lionel Artige (ULg)

Sur base des évolutions récentes, les travaux de cette commission porteront sur les instruments de la politique de croissance. Cette commission devrait s’intéresser, dans le contexte européen donné (politique monétaire et traité budgétaire),  aux principaux instruments disponibles pour stimuler la croissance : la réforme du marché des produits (biens et surtout services) ; la réforme du marché du travail ; le soutien à la recherche et à l’innovation ; le soutien au capital humain ; l’infrastructure publique ; l’efficacité de l’action des pouvoirs publics (régulation des marchés), en ce compris la question de la redistribution et de la taxation juste et équitable (et de son impact sur l’emploi).

La commission s’interrogera (1) sur les leviers à employer et (2) sur la priorisation des réformes à mener pour stimuler la croissance ?

Intervenants :

Résumé des contributions

Une amélioration du Pacte de stabilité en y intégrant la règle d’or

Henri Bogaert (Université de Namur) et Elodie Lecuivre (Université de Namur)

Les règles du Pacte de Stabilité et de Croissance ont pour but d’assurer une coordination efficace des politiques budgétaires des différents États membres de la zone euro. On constate, cependant, que les règles actuelles du Pacte ont des effets pervers, notamment sur l’investissement public qui est pourtant un des postes budgétaires les plus porteurs de croissance. Face au sous-investissement structurel dans la zone euro, qui freine la reprise économique et pèse sur la croissance potentielle, des mécanismes de flexibilité ont été introduits récemment dans le Pacte mais ceux-ci ne répondent que partiellement au problème. Dès lors, des voix s’élèvent pour réclamer une amélioration plus profonde du Pacte et, notamment, l’introduction d’une règle d’or selon laquelle l’investissement public net des amortissements pourrait être financé par l’emprunt. Les arguments ne manquent pas dans la littérature, l’objectif de déficit devrait en tenir compte. Dans cette perspective, ce papier propose  une nouvelle formule de calcul de l’objectif de solde budgétaire à moyen terme (MTO) que doit se fixer chaque État membre conformément au Pacte. Basée sur le critère de soutenabilité inspiré de la logique actuelle, la nouvelle formule proposée met plus l’accent sur l’investissement public comme élément essentiel et structurel du programme de stabilité et de croissance, mais aussi sur l’équité intergénérationnelle, non seulement pour la charge de la dette et des dépenses futures liées au vieillissement, mais aussi pour celle de l’investissement. De plus, elle vise à assurer la viabilité financière et à minimiser les risques de défaut en intégrant la règle de réduction du taux d’endettement pour les États ayant une dette supérieure à 60 % du PIB. Contrairement à la formule actuelle, le traitement spécifique de l’investissement favorise une distribution plus efficace des objectifs de la politique budgétaire entre les différents niveaux de pouvoir.

Fiscalité et croissance tendancielle : quelques pistes en Belgique

Etienne de Callataÿ (Chargé de cours invité à l’Université de Namur et à l’UCL et Président de la Société royale d’Economie politique de Belgique (SREPB))

Vieillissement démographique, réduction des effets de levier de l’endettement public et du crédit bancaire, tassement des gains liés à une meilleure éducation, creusement des inégalités, contraintes environnementales, les raisons d’anticiper une baisse tendancielle du taux de croissance par habitant abondent. Vu les conséquences potentielles d’un tel ralentissement sur le bien-être, en particulier des moins qualifiés, sur le financement des engagements de sécurité sociale et sur la soutenabilité de la dette publique, des réformes structurelles sont envisagées pour soutenir la croissance. Parmi celles-ci figure une refonte de la fiscalité. La présente contribution examine selon quelles lignes directrices une réforme de la fiscalité nationale, sans tenir compte de la dimension internationale de la politique fiscale, pourrait stimuler la croissance de l’économie belge.

Dans la première partie, la contribution offre trois angles d’attaque pour un tel examen. Il s’agit d’abord de la caractérisation théorique classique de ce qui est appelé le « bon impôt », ensuite du classement communément admis dans le degré de nocivité, en termes de croissance, des différents types d’impôts et enfin des principaux traits de différenciation de l’impôt en Belgique, étant entendu qu’a priori il s’agit là d’anomalies par rapport à la sagesse de la norme internationale.

Dans la seconde partie, les principales sources de revenu des pouvoirs publics sont passées en revues en s’interrogeant à chaque fois sur l’interaction entre ces impôts et la croissance tendancielle : impôt des sociétés, impôt sur le revenu des personnes physiques, cotisations sociales, impôt sur la consommation, impôt sur le revenu immobilier, impôt sur le revenu mobilier et impôt sur la pollution.

Alléger le coût du travail? Tout est dans la manière

Muriel Dejemeppe (IRES, UCL) et Bruno Van der Linden (FNRS & IRES, UCL)

Alors que les modalités d’un allègement renforcé des charges patronales sont en discussion au niveau fédéral, les Régions définissent en ce moment leurs priorités concernant le transfert des mesures fédérales de soutien financier à l’emploi lié à la sixième réforme de l’État. Nous entendons contribuer à cette réflexion en posant, sur base d’une vaste littérature, une série de balises qui devraient guider leurs décisions. Considérant que la création d’emplois est la priorité, un ciblage sur les bas salaires des réductions supplémentaires de charges patronales s’impose au niveau fédéral. Une autre forme de ciblage aurait un impact nul ou très limité sur l’emploi. En matière de soutien financier à l’embauche, une compétence désormais régionale, les allègements du coût salarial ne peuvent réellement créer de nouvelles opportunités d’emploi que s’ils sont accordés pour une durée limitée et visent des demandeurs d’emploi sans expérience professionnelle récente. Il s’agit pour l’essentiel de jeunes inexpérimentés et peu qualifiés, et de chômeurs de longue durée.

L’efficacité du soutien public pour la R&D et l’innovation4

Michel Dumont (Bureau fédéral du Plan)

To achieve the agreed target that expenditures on research and development (R&D) should amount to 3% – relative to GDP- many EU countries increased public support for R&D. The Belgian federal government introduced, from 2005 onwards, a number of tax benefits for companies that invest in R&D, in addition to the direct support (subsidies) already provided by regional agencies.  This paper discusses the role and effectiveness of subsidies and tax incentives in support of R&D activities in general and the results of recent evaluations of public support in Belgium more specifically. Some measures appear to effectively incite additional R&D activities by companies in Belgium but for other measures evidence is less compelling. This finding warrants further research to assess which mix of instruments may be most effective in promoting R&D activities.

Croissance de la productivité en Belgique : raisons du déclin et pistes de solution

Chantal Kegels (Bureau fédéral du Plan)

Ce chapitre analyse l’évolution de la productivité du travail en Belgique au cours des dernières décennies et s’interroge sur les raisons du déclin de la croissance de la productivité. Certains éléments explicatifs sont communs à l’ensemble des économies avancées mais d’autres sont spécifiques à la Belgique. Partant de ce constat et du contexte économique particulier créé par la grande récession, le chapitre envisage trois familles de réformes susceptibles d’améliorer les perspectives de croissance : l’amélioration du fonctionnement des marchés et la réforme du marché des produits, l’investissement en capital basé sur la connaissance et l’innovation et l’amélioration des infrastructures.

Un tax shift pour une croissance inclusive et juste

Gaëtan Nicodeme (Commission européenne)

Le glissement de la fiscalité du travail vers des assiettes moins dommageables à la croissance reste une priorité de la Commission européenne et autres institutions internationales. Cette contribution offre une revue de la littérature théorique et empirique des effets du tax shift sur la croissance. Par ailleurs, il propose un état des lieux des réformes mises en place par les États Membres de l’Union européenne ces dernières années. Cet état des lieux est illustré d’exemples concrets de mise en œuvre et de difficultés rencontrées par les États membres, notamment sur le plan institutionnel, social et de compétitivité. Enfin, l’article conclut par une analyse des récents développements en matière de fiscalité internationale susceptibles de redéfinir les contours de futurs tax shifts. Les progrès en matière d’échanges automatiques d’information, la refonte possible de la fiscalité du capital et le potentiel d’une fiscalité plus verte en Union européenne offrent de nouvelles perspectives à la baisse de la fiscalité du travail.

Capital humain et croissance: le rôle de l’éducation

Béatrice Van Haeperen (IWEPS)

L’objectif de cette contribution est d’apporter un éclairage sur les canaux par lesquels l’éducation a soutenu la croissance du PIB au cours des vingt dernières années.  De notre observation, qui porte sur quatre pays – la Belgique, la France, l’Allemagne et les Pays-Bas -,  il ressort que l’élévation du niveau d’éducation, en particulier celui des femmes, a eu un effet positif sur les taux d’activité et d’emploi. Au-delà de cet effet quantitatif, la qualification de la main d’œuvre contribue à une augmentation de la productivité du travail, saisie dans la comptabilité de croissance par l’effet de composition. À cet égard, nos indicateurs montrent que  le flux de travailleurs plus qualifiés a répondu à une offre croissante d’emplois  demandant davantage de qualifications.

Fonctionnement des marchés: un screening horizontal

Peter Van Herreweghe (SPF Économie), Alexis Walckiers (Autorité belge de la Concurrence), Lidia Tsyganok et M Erwin Van Hirtum (en tant que co-auteurs)

Lorsque les marchés fonctionnent bien, les entreprises tendent à réduire leurs prix, à innover, et à développer des produits et des services adaptés aux besoins des consommateurs. Ces marchés rendent les entreprises plus compétitives, contribuent à une allocation efficace des ressources, et in fine à la croissance. Cet article poursuit deux objectifs. D’une part, nous décrivons ce qu’un bon fonctionnement des marchés requiert: du côté de la demande, les consommateurs doivent se fournir auprès des opérateurs qui offrent les produits et services qui leur conviennent le mieux et, du côté de l’offre, les entreprises doivent se faire une concurrence sur les mérites. D’autre part, nous présentons la méthodologie du screening horizontal au cours duquel des indicateurs qui reflètent différentes dimensions du fonctionnement du marché sont agrégés en un score unique. Le screening est effectué pour l’ensemble des secteurs marchands de l’économie belge, et les premières conclusions de cet exercice sont présentées. On identifie les secteurs de l’économie qui, sur base de cet indicateur composite, présentent un risque de dysfonctionnement plus élevé.